Une approche des rejets alimentaires chez les jeunes enfants par la catégorisation et les fonctions exécutives.
Composition du Jury :
Emmanuel Sander, Professeur, Université de Genève (président)
Simone Nguyen, Professeure, Université de Caroline du Nord Wilmington (rapporteur)
John Coley, Professeur, Université Northeastern (rapporteur)
Jean-Pierre Thibaut, Professeur, Université de Bourgogne (directeur de thèse)
Jérémie Lafraire, Chargé de recherche, Institut Paul Bocuse (co-directeur de thèse)
Résumé
La néophobie et la sélectivité alimentaires font obstacle à la consommation de fruits et de légumes, pourtant nécessaires à un régime qui facilite un développement normal et sain. Il est crucial d’étudier les fondements cognitifs de ces rejets afin de permettre l’adoption de comportements sains. Le rejet alimentaire semble en partie conditionné par les connaissances qu’ont les enfants des aliments. Les connaissances permettent la reconnaissance d’un aliment, de le catégoriser et de prendre des décisions fondées sur ses propriétés et les conséquences possibles de sa consommation. Dû à un manque de connaissances, des stimuli ou des situations alimentaires peuvent apparaître incertains. Cette incertitude augmente la probabilité qu’un aliment soit rejeté, qu’il soit comestible ou précédemment accepté mais préparé différemment. Pour lutter contre les rejets alimentaires, des interventions tentent d’accroître les connaissances des enfants par le biais de programmes éducatifs ou d’expositions répétées à des aliments.
Cependant, les effets de ces interventions sont limités pour les enfants très néophobes et sélectifs. Des rejets élevés ont été associées à des réponses émotionnelles et physiologiques fortes, similaires à des réactions phobiques. Cette peur peut inhiber la capacité d’apprentissage des enfants. Par conséquent, ils peuvent éprouver des difficultés pour développer leurs connaissances des aliments. En effet, d’après de précédentes recherches, l’intensité des rejets des enfants est inversement liée à leurs connaissances des catégories alimentaires.
Dans ce contexte, le premier objectif de cette thèse était d’étudier les deux influences apparentes des rejets : les lacunes dans les connaissances alimentaires et les stratégies d’évitement, conditionnées par la peur des situations alimentaires incertaines. La variable de transformation alimentaire a également été manipulée pour tester l’hypothèse selon laquelle les enfants utiliseraient des indices visuels tels que le tranchage pour surmonter leur peur. Les résultats ont révélé que les rejets alimentaires étaient liés à une diminution des performances de catégorisation et à une prudence accrue. Les enfants néophobes et sélectifs étaient plus prudents et, par rapport à leurs pairs néophiles et non-sélectifs, ne s’appuyaient pas sur la variable de transformation comme indice de sécurité. Pour développer les connaissances de ces enfants il semble nécessaire de commencer par surmonter leur peur d’une situation d’apprentissage avec des aliments.
Son second objectif était d’étudier si les fonctions exécutives étaient impliquées dans les rejets alimentaires. Des fonctions exécutives sous-développées expliqueraient les difficultés des enfants néophobes et sélectifs à extraire l’information des situations d’apprentissage, leurs comportements rigides envers les nouveaux aliments ou la préparation des repas, et l’utilisation de leurs connaissances antérieures. Les études ont révélé des relations négatives entre les rejets alimentaires et les fonctions exécutives, précisément une diminution de l’inhibition et de la flexibilité cognitive. La flexibilité cognitive a également un rôle médiateur dans la relation entre les rejets alimentaires et les capacités de catégorisation. Les fonctions exécutives sont donc importantes dans les comportements alimentaires, directement et indirectement, sur la capacité des enfants à développer des connaissances.
La thèse contribue à la compréhension du développement des rejets alimentaires chez les jeunes enfants et met en lumière différents facteurs influençant les capacités d’apprentissage dans le domaine alimentaire. Cette contribution est précieuse pour notre compréhension des difficultés des enfants néophobes et sélectifs à apprendre et à agir de manière appropriée avec les aliments et pour le développement d’interventions visant à améliorer leurs habitudes alimentaires.
Mots clés : néophobie alimentaire ; sélectivité alimentaire ; jeunes enfants ; développement cognitif ; connaissances conceptuelles ; fonctions exécutives.